Photo : Jean Pierre Dutilleux
Parfois, il faudrait accepter de
ne plus se sentir obligés d’avoir un avis sur tout mais de simplement témoigner
de ce que nous sommes.
En cette période où l’ombre, et son cortège funèbre
l’accompagnant, sont omniprésents : barbarie, sang, peurs, violences,
brutalité, rejet, simplisme, manichéisme, raccourcis hâtifs, nationalisme,
populisme, intolérance… il nous revient d’assumer pleinement ce que nous
sommes ; nous hommes et femmes de « bonne volonté ».
Parce que la peur suspend la
pensée, il nous revient de continuer à penser.
Parce que cette peur pousse au
simplisme, il nous appartient de continuer à penser complexe.
Parce que la violence incite à la
haine, il nous revient de ne pas nous laisser happer par elle.
Parce que ce lent harcèlement de la
terreur nous pousse à la panique et à une fébrilité d’automates, il nous
revient de revenir à la présence de l’instant, à la lenteur et à la mise à
distance de nos émotions les plus réactives.
Parce que la panique réduit
l’espace mentale et géographique, il nous revient de continuer de penser large.
Parce que le mal morcelle, il nous
appartient de suivre notre chemin de reliance au vivant et aux êtres qui nous
entourent.
Parce que la guerre subie nous
incite à prendre les armes, il nous appartient de chercher ce qui relie les
Hommes plutôt que de cultiver les zones de clivage (ce qui n’a rien à voir ni
avec l’excuse ni avec le fait qu’il ne faille jamais prendre les armes, en
insistant sur le fait que faire la guerre sans préparer la paix est une spirale
sans fin).
Parce que l’inhumanité se nourrit
de la barbarie, il nous revient de cultiver l’humanisme le plus lucide.
Parce qu’en ces temps où ne sont
entendus que ceux qui hurlent plus forts que les autres, il nous faut faire
confiance à la force d’un murmure amplifié par des millions d’autres murmures.
Nous devons continuer de
témoigner, en ces temps où la barbarie repointe ses dents de charognard, qu’il
est possible, juste et nécessaire de
continuer de cultiver certaines valeurs : l’amour, le respect de l’autre,
l’attention portée à la Vie, la modestie (qui n’est pas l’auto dénigrement), le
travail sur soi, la relativité des croyances, la modération… Tout en prenant
toutes les dispositions nécessaires bien sûr pour assurer notre sécurité.
Si il y a bien une chose à quoi
nous oblige la barbarie mondialisée prônée par quelques fous d’un dieu qui n’en
demandait pas tant, c’est bien de tenter de rester intelligents, même devant
l’impensable. Quand bien même cet impensable revienne à constater et accepter que notre « culture », notre
« sens du bien », sont extraordinairement fragiles et qu’il suffit
d’un rien pour faire d’un charmant garçon un tueur qui commettra
l’inimaginable. Nous l’avons vu récemment tant de fois dans l’histoire :
en Allemagne, en Chine, en URSS, au Rwanda, au Cambodge… Cela n’exonère en rien
les tueurs de leur propre responsabilité, mais nous devons aussi regarder cet
aspect de l’humain dans le profond de nous-mêmes.
A cette obligation de continuer
de penser et de comprendre (ce qui, une fois encore, ne vaut pas excuse),
s’ajoute le devoir pour chacun et chacune de témoigner de sa propre lumière. Parce
que la barbarie, partout où elle va n’a d’autre but que celui d’éteindre la
lumière du monde. Le moment est venu à ce que tous les hommes et femmes de
« bonne volonté » se fassent entendre.
En fait le cadeau le plus coûteux
que nous puissions faire à ces fous, serait d’éteindre en nous cet appel de l’amour
et de la Vie. A chaque fois que nous éteignons en nous notre lumière, nous leur
faisons gage de leur puissance. Et à ce titre la peur est une arme de
destruction massive…
Je suis donc enjoint pour ma part,
qui aime à me qualifier « d’homme de paroles » à développer et faire
savoir, encore plus qu’avant peut-être, ce à quoi je crois : la pensée,
l’intelligence, l’amour, la bienveillance, l’attachement à l’état de droit, les
possibilités de développer une autre façon de vivre, de produire, de consommer,
de cultiver, de vivre ensemble…, la coopération plutôt que la compétition,
l’art, les histoires, la musique… l’intériorité comme un contact avec notre
source, la quête de soi et d’une juste place dans le monde, la plénitude et la
conscience face à l’hystérie de l’urgence, le soin porté à l’autre dans des
pratiques de guérison tant psychiques que physiques, l’exploration de toutes
les dimensions de la Vie et de l’existence humaine, pour peu qu’elles ne
nuisent pas à mon prochain…
A chacun de nous résident deux
forces : l’une qui voudrait dominer le monde et une autre qui voudrait le
guérir ; et nous devons toutes les deux les regarder en face…
Parce que notre monde, notre
pays, me semblent à un moment tragiquement charnière de son histoire, je crois
nécessaire aujourd’hui que le plus grand nombre témoigne de cet engagement, de
ces valeurs, en fonction de ce que chacun est, lucidement, sans angélisme
aucun. Juste pour que la petite lumière vacillante de s’éteigne pas…
Beau programme
RépondreSupprimerMerci de l'avoir écrit et partagé ici.
Je reviens d'un aller et retour dans deux gares parisiennes et sur ce voyage j'étais un peu angoissée avant de le faire. La violence est-elle vraiment à la porte à guetter ?
J'ai trouvé beaucoup de calme dans les gares, j'ai trouvé les gens moins rapides, moins énervés et se regardant plus.
A Mantes la Jolie de belles personnes de tous âges et de toutes nationalités sont montées dans la voiture où j'étais et nous avons , plus ou moins en silence mais en attentions et regards et sourires, vécu un moment d'échanges discrets et chaleureux qui m'a réchauffé et donné de la vie et espoir un peu plus.
Bises