Lune, XVème siècle |
« Sur la Voie du
Tambour, l'image qui lui apparaissait était de toute beauté. Une
femme ressemblant à une Vierge iridescente, archétype d'une Mère divine
universelle, vêtue d'une longue robe et baignant dans une lumière
dont il voyait les rayons s'élancer vers l'univers. Nulle
bondieuserie dans cette vision, mais au contraire une énergie
d'amour absolument bouleversante. Elle se mit à lui parler :
- Trop souvent, vous
pensez que ceux qui meurent disparaissent à jamais. Non, nous nous
transformons. Et, si vous le souhaitez, nous pouvons alors devenir
dans vos vies des guides qui vous accompagnent. Oh, nous n'avons plus
grand chose à voir avec les personnes que vous avez connues !
Cette puissante transhumance que nous avons vécu nous a métamorphosés,
libérés des conditionnements de nos incarnations ! Oui, vous
pouvez croire ou ne pas croire. Prendre ou ne pas prendre. A chacun
sa réponse ! Dans votre expression « faire le deuil »,
vous pensez souvent que cela revient à ne plus souffrir, à ne plus
être triste. Oui, vous pensez être libéré du deuil le jour où
vous ne souffrez plus ! Mais un deuil c'est bien plus que cela !
C'est la possibilité de faire un grand nettoyage intérieur en se
libérant, entre autre, de tous les ressentiments, les colères, les
insatisfactions accumulées au fil des ans avec la personne partie.
La mort est une grande initiatrice, elle nous permet de réaliser un
grand travail de libération intérieure qui nous permet un nouvel
envol.
Les
mots étaient forts, l'image magnifique. Le Voyageur ne se sentait ni
écrasé, ni objet d'une séduction déplacée. Il sentait que cette
vision était là pour -sans aucune concession mais avec un amour
infini- lui rappeler son absolue obligation d’être fidèle à ce
qu'il était profondément et à réaliser ce pour quoi il était
fait. Rien de confortable somme toute, mais une figure d’une beauté
et d’une intensité bouleversante qu’il avait déjà rencontrée
plusieurs fois. Oui, décidément se dit-il, celles et ceux qui nous
quittent restent présents dans nos vies comme des lumières qui nous
guident et nous enseignent, quand bien même se métamorphosent-ils
en autre chose que ce qu’ils étaient au cours de leur
incarnation...
La
vision reprit la parole :
-
Pour le travail intérieur que tu fais en ce moment -c'est difficile
de perdre sa mère- tu as besoin d'être aidé et de trouver de la
force. Alors, dans les jours qui viennent (rassures-toi, ce n'est pas
pressé!) tu te mettras en quête d'une représentation de la Vierge.
Oh, rien de prétentieux ou de lourd ! Juste un petit médaillon
ou une petite statue et tu la transporteras avec toi partout où tu iras. Ainsi tu pourras te connecter à moi et cela te
fera du bien de sentir cet amour-là !
Le
Voyageur promit, puis ils se quittèrent, et lui reprit sa vie de
tous les jours.
Jusqu'à
ce soir là ( trois, quatre jours plus tard peut-être) où, rentrant d'une
promenade avec sa compagne, il s'apprêtait à mettre la clé dans la
serrure de sa maison. C'était un soir d'hiver sans lune, au froid
piquant. Sa rue étant peu éclairée, il peinait toujours un peu à
trouver la serrure. Machinalement et à tâtons il la cherchait donc, lorsque son regard fut attiré par une chose minuscule, sans doute posée
par une main inconnue sur le rebord de la fenêtre la plus proche. Oui, la rue était sombre, mais sans qu’il ne sache vraiment comment,
il sut immédiatement ce qu’était cet objet. Et non seulement il sut, mais il vit
–alors que l’obscurité ne le lui permettait pas- ce qu’il représentait, un peu comme une vision qui s’imposait.
Le
cœur battant, le Voyageur prit l’objet, comme sidéré, tout juste
capable de marmonner bêtement quelque chose du genre : "Ah, ce
n’est pas ça quand même ? Si c’est ça, alors là je n’y
crois pas…" pendant qu’il entrait dans la maison et allumait la
lumière. Et là bien sûr, il la vit…
Une
petite médaille représentant la Vierge, perdue sans doute par
quelqu’un et délicatement posée sur le rebord de sa fenêtre…
Oh, pas une médaille d’or ou d’argent, non ! Juste une modeste
médaille en fer blanc de quelques euros, à l’image d’ailleurs
de ce qu’aimait sa mère qui, peu fortunée et aux goûts simples, préférait les bijoux de pacotille à l’or des bijouteries…
Comme
une sorte de clin d’œil, de cadeau, de don, qui lui était fait et
qui dans un deus-ex-machina mystérieux venait en quelque sorte faire
résonner toute cette traversée de ces dernières semaines d’une
manière bouleversante. Comme une mise en scène orchestrée par une
présence mystérieuse et aimante…
Le
Voyageur prit la médaille et sut alors au plus profond de lui que
quelque chose respirait et conspirait pour son plus grand bonheur et
qu’il lui revenait alors de s'abandonner à la confiance…
Bien
sûr, ne put-il s'empêcher de penser, peut-être s'agit-il d'un
hasard ? Mais le hasard n’est-il pas qu’une des milliers
d’histoires que l’on se raconte ? Une Marraine de Contes à
laquelle le Voyageur était très attaché, lui avait dit un jour
qu’une partie de notre travail consistait à ce que nous acceptions
le fait que le merveilleux n’était pas exceptionnel en soi mais
qu’il était somme toute quotidien, presque banal, tissé avec les
jours qui passent et qu’il suffisait de savoir le voir. Parfois, il
est juste caché par un voile et, mystérieusement, il semblerait que
la présence de la mort, parfois, puisse le soulever…
Dans
les jours qui suivirent il mit bien sûr la petite médaille à son
cou, et dans son corps, et dans âme, il sentit alors la Vie
recirculer plus vive que jamais. Neuve. Vive. Impétueuse.
Merveille !
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