jeudi 14 novembre 2019

L'amour est un portail qui ouvre sur le ciel

John C Adams Meteoric Shower as seen off Cape Florida The Midnight Sky Edwin Dunkin 1891

Mon cher Jean Paul,

J’ai bien reçu ta lettre, et crois bien que je comprends ta peine. Les chagrins de cœur font partie des choses les plus partagées et sont un incontournable auquel personne ne peut se dérober. Même les mystiques semble t-il ont parfois des relations complexes avec leur dieu...

Nous en avions parlé il y a longtemps et tu connais mon hypothèse : si l’amour quand il point semble immense et nous ouvrir l’âme, au quotidien, nous n’aimons plus avec lui mais avec nos faiblesses, nos manques, nos blessures, qui prennent alors le relais, en général pour le pire. Personne ne nous apprend à aimer, personne ne nous apprend à faire vivre cette relation à l’autre, tout comme personne ne nous apprend à élever nos enfants. Nous devons nous débrouiller et accepter d’y voir une de nos dernières grandes aventures envisageables. L’homme a exploré le moindre recoin de notre planète et même bien au-delà, mais l’immensité et le mystère du cœur restent à jamais inexplorables en totalité.

Oui bien sûr, me diras-tu, il existe des milliers de livres pour nous expliquer ce qu’il faudrait faire, ou pour nous faire observer ce que nous devrions comprendre et mettre en œuvre. Bien sûr, ces livres sont indispensables, et crois-moi, j’en ai lu plus d’un à une époque. Mais vois-tu je me suis réveillé un matin récent avec la phrase suivante (oui, les phrases qui sont là au réveil quand nous ouvrons les yeux nous sont soufflées par les profondeurs de la nuit et sont à honorer comme des reliques) : « l’amour est un portail qui ouvre sur le ciel ».

« L’amour est un portail qui ouvre sur le ciel ».

Cette phrase, je te l’avoue, sur le coup m’a soufflé. Et puis, faute de l’avoir notée à temps je l’ai oubliée, et puis retrouvée. Mais qu’appelons-nous « amour » ? Je sais qu’en cet instant je pose la question à un ami qui vient de clore une relation de plus de dix ans et sans doute ta réponse sera t’elle un poil amère. Oui, qu’appelons-nous en général « amour » ? Une attirance forte pour une autre personne, un lien singulier, un sentiment qui parfois nous brûle et parfois nous comble, une transcendance du sentiment, une empathie inconditionnelle pour l’être aimé… et que sais-je encore… Mais aussi, derrière ce mot, combien de transactions relationnelles infantiles ? (« Si je t’aime tu dois m’aimer », « tu dois remplir ma vie », « si je te donne ça, tu dois me donner la même chose », « tu dois me protéger comme le faisait ma mère ou mon père », et toute une interminable litanie…) Combien de liens de dépendance ? De prédation même parfois ? Combien de dévalorisations de l’autre ? D’enfant apeuré tel un fantôme tapi dans un adulte ? Combien de malentendus ? D’histoires reposant sur des fariboles auxquelles on a besoin de croire ? Ah il est parfois loin « le portail qui ouvre sur le ciel » !

Mais vois-tu, je crois que j’ai compris quelque chose. Je ne saurais te dire avec certitude si cela te sera utile ou pas, mais je te le dis quand même, peut-être pour un autre jour, une autre fois…

Oui, il y a des milliers de livres et de films, et de séances chez le psy, pour tenter d’éclairer la vie amoureuse, pour retrouver, même un peu, de la lumière perdue des premiers jours. Tous analysent, décortiquent, objectivent, rationalisent, et bien sûr que tout cela est important, mais il y a autre chose. Un autre chose qui au fur et à mesure que je le découvre est d’une évidence presque sidérante. Tu le sais : j’ai rencontré depuis peu une magnifique Fileuse de joies. Elle rend mon cœur plus grand. Et à cette occasion j’ai eu une intuition.

Et si ce n’était pas nous qui construisions, en fonction de notre histoire, ce que l’on appelle « l’amour » ? Si ce sentiment magnifique baignait et irriguait jusqu’au moindre atome l’univers dans lequel nous vivons ? Et si nous en étions coupés la plupart du temps et que nous parvenions à nous y connecter grâce, justement, à ce qui se passe en nous quand nous rencontrons un être que nous aimons ? Si ce que nous appelons « la rencontre amoureuse » ne produisait pas de l’amour, mais tout simplement nous connectait à un fréquence, à une matrice d’amour, desquelles nous sommes en général éloignés ? Questions pour moi vertigineuses. Un peu comme cette hypothèse scientifique, de plus en plus prégnante, qui postule que ce ne serait pas le cerveau qui génère la conscience, mais que cette dernière serait extérieure à nous, le cerveau fonctionnant alors comme « une antenne de télé » qui la capterait.

Alors j’ai essayé, et l’expérience s’avère magnifique. Je te conseille, mon cher Jean Paul, la même pratique la prochaine fois où tu rencontreras quelqu’un. Si nous ne produisons pas nous même cette vibration et ce élan que l’on appelle l’amour, mais que cet amour est en quelque sorte consubstantiel à l’univers qui nous entoure ; si l’amour entre deux êtres nous permet de nous y connecter ; alors il suffit d’être vigilant à juste être dans cette présence-là. Présence à l’autre (bien sûr!) mais aussi, tout simplement, se mettre en disponibilité à cette présence pure d’amour qui alors nous inonde. Il suffit d’être là, pleinement présent, pleinement relié à cette énergie vibrante, douce et forte en même temps, à cette plénitude. Il n’y a dès lors plus de transactions émotionnelles avec l’autre, plus de ces ressacs douloureux d’un passé mal enfoui. Juste une présence à l’amour dans lequel nous baignons et que le miracle d’une relation avec une personne aimée nous permet d’appréhender pleinement. Alors, il n’y a plus de manque, juste une plénitude tranquille. En faisant cela, tu pourras constater que reculent alors tes ombres et tous tes mécanismes psychiques si prompts à s’imposer. Dans cette vision, ce n'est plus la relation qui créé l'amour, c'est l'amour qui vient irriguer la relation grâce à la fréquence qu'elle génère.

Fais l’expérience un jour. Et sois vigilant à ces moments où tu perds le contact avec cette irradiante présence. Tu constateras alors que c’est aussi dans ces instants-là que tu sens se réactiver en toi le poids de tes souffrances affectives passées et la sensation de t'éloigner du cœur aimé de l’autre.

Oui, mon ami, l’amour est un portail qui ouvre sur le ciel et rend nos cœurs plus grands. Non pas l’amour pesé à l’aune de nos faiblesses, mais celui intact, intarissable, infini, dans lequel nous baignons. Remercions alors, du fond de notre cœur, l’autre d’être là, présent dans notre vie, car grâce à lui, nous nous connectons à un miracle. Il n’y a dès lors, rien à construire, rien à comprendre, rien à chercher, rien à faire. Juste ouvrir son âme et son cœur, comme un réceptacle divin, à l’amour qui nous baigne.

Je te souhaite de traverser l’épreuve que tu vis avec le courage et la ténacité que je te connais. Profite de cette période de solitude pour nettoyer en toi ce qui doit l’être, pour éclairer ce que tu viens de vivre, pour comprendre ce que tu as à comprendre. Chaque histoire d’amour est comme une case sur un jeu de l’oie qui nous rapproche d’un accomplissement à venir. Et tu sais quoi ? Je crois bien que cette expérience de la présence inconditionnelle à l’amour dont je viens de te parler fait partie des dernières cases du jeu !

Je t’embrasse mon cher ami et à bientôt.

Ton ami.

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