dimanche 29 septembre 2019

Les leçons de Panda le malin : n° 3



Quand il s'agit des choses de l'âme et de la psyché profonde, méfie-toi de ta propension à vouloir tout comprendre et analyser, car alors tu tues dans l’œuf leurs dynamiques opératoires.

C'est dans le Mystère et le travail profond, loin de notre regard, que maturent les plus grandes choses. Il te faut apprendre l'attente, la patience et ce délicat exercice de se rendre disponible à quelque chose qui nous échappe.

Apprends à devenir terre sombre d'automne, mon jeune ami...

dimanche 15 septembre 2019

Rivière

Joan Miro - Lune et bateau - 1925

Tu avances relié à ton étoile.
Ton étoile.
Va la barque au fil de l'eau tranquille.
Ici tout est paix.

Tu vas dans l'assurance paisible qui n'a plus à douter de rien.
Sur les chemins de ton esprit laisse la rivière couler.
Le tumulte au loin s'est tu.
De l'âme, seule la Présence nue soigne.

samedi 14 septembre 2019

Un effacement qui n'en est pas un

Désolé, je ne connais pas l'auteur de cette image


Plus les mois passent, plus je perds de cette propension à vouloir avoir un avis sur tout. Et pourtant j’ai passé ma vie à ça. Nos opinions sont des illusions, des compromis, des vérités partielles, mâtinées de notre histoire, de nos origines, de notre parcours, de nos valeurs. Le drame disait Guitry, c’est que tous les hommes sont persuadés que leurs pensées sont justes… Nous vivons avec cette illusion que « nous pensons bien » ; ce qui a dès lors pour conséquence que ceux qui ne penseraient pas comme nous seraient dans l’erreur. Mais nous ne connaissons rien du monde et ne pouvons penser qu’à travers ce qui a pu arriver jusqu'à nous : des bribes, des parcelles de savoirs, des filaments d’expériences… Alors du coup, les discussions me fatiguent vite. Je n’ai plus envie de me la ramener surtout quand je sens en face une véhémence trop sûre d’elle-même. Oui bien sûr, j’ai des croyances, des pensées (ah que le monde irait mieux si chacun acceptait l’idée que ses pensées sont des croyances bien plus que des vérités pur jus !), une vision du monde, des valeurs, avec lesquelles j’essaie de faire au mieux et à peu près cohérent. Mais je n’ai plus envie de les porter comme des étendards à défendre. Petit à petit je me retire de ce cirque. Non par abattement ou esprit de défaite, mais parce que je me rends compte que le prix de l’énergie à payer est trop important et qu’il importe plus en ce moment de parvenir à faire cercle bien plus que schisme.

Parce que oui, si il y a une chose dont je sois certain, c’est que le pire est devant nous. L’effondrement de notre monde, de ce que nous avons connu est devant nous. Ma génération est peut-être la dernière à avoir pu jouir d’une insouciance tranquille. La fin de notre civilisation devient de plus en plus certaine et nous assistons de visu à la sixième extinction massive des espèces, et la nôtre n’y échappera sans doute pas. Dire qu’il faut nous y préparer devient une banalité. Et pourtant. 

Face à de telles échéances, j’ai fini par me dire qu’il y a deux options possibles : la peur, la haine, la colère la guerre... ou bien un immense travail sur soi pour réapprendre à nous relier à la magie du vivant et à l’autre. Un travail sur nous-mêmes visant à nous décoller -même un peu- de nous-mêmes pour nous laisser bercer par la beauté restante du monde. Une autre banalité : si nous ne faisons pas la paix en nous, ce sera le chaos. Ou plus exactement, du chaos rajouté au chaos. 

Que reste-t-il lorsque nous nous sommes « désidentifiés » de ce que nous pensons être nous-mêmes ? Un inconfort, de la peur, de la fragilité et… du vide et du silence. Un vide matriciel -celui du Tao et du Zen- du sein duquel peut émerger quelque chose de nouveau. Un silence du cœur duquel peut surgir de nouvelles alliances avec le Monde. Quelque chose qui ressemblerait à une pacification, puis à une paix effective. Vide et silence : les deux choses, je crois, que notre monde abhorre le plus ! 

Concernant ce silence et ce vide, j’ai longtemps cru qu’il fallait en quelque sorte s’extraire du monde pour aller à leur rencontre. C’est vrai en partie, c’est vrai au début. Mais je n’ai pas la grandeur et l’abnégation de l’ermite. J’ai besoin des autres, de leurs présences, de leur tendresse, de leur contact ou de leur affection. Et puisque l’on parle de présence, je témoignerai de ceci : à un moment, il est possible d’entrer dans la Présence. Pour ma part, c’est fugace, bien trop rare, toujours imprévisible. Et j’en arrive à me dire ceci : une fois vécue cette expérience du retrait du monde, il faut revenir dans le monde. Non pas pour s’épuiser en des querelles de pensées trop souvent (pas toujours, car parfois il faut savoir défendre certaines choses comme des fauves) stériles et épuisantes, mais pour activer cette Présence et ce silence au sein même du monde. Et c’est bien plus intéressant que de vouloir avoir raison… Il n'y a dès lors plus rien à imposer, juste à être. Et parce que nos pensées, nos jugements, nos croyances, nos peurs... sont comme autant de barrières que nous nous imposons, les affaiblir revient à laisser entrer ce qui en était refoulé. Ce pourraient être des remontées d'égouts, certes, mais dans mon expérience c'est de la lumière, de l'amour et des potentiels qui prennent corps...

Je vais avoir 60 ans dans un peu plus d’un mois, et dans le même temps, je vois cet effondrement de notre monde arriver. Le temps n’est plus le même que lorsque j’avais 20 ans. Je n’ai plus la vie devant moi, même si j’ai la faiblesse de penser que m’attendent encore de longues et belles années. Mais voilà, il y a quelque chose qui ressemble à des échéances, qui, pour reprendre je crois une expression mitterrandienne, ont à voir avec la vérité. 

Ainsi donc se dessine pour moi un nouveau récit. Un récit dans lequel s’estompent peu à peu les revendications sur moi-même «(« j‘ai raison », « je suis conteur », « je suis tarologue », « je suis écrivain », « je suis directeur culturel", ou "chamane", ou que sais-je encore...) pour tenter de développer, humblement mais avec une persévérance sans faille, une magie de la pure présence, témoignage qu’une autre relation au Monde et au Vivant est possible. Comme le replacement d’un besoin de reconnaissance par simplement le témoignage d’une expérience de « qualité d’être » sans enjeu d’ego. 

Tout à l’heure, je suis tombé nez à nez avec un poème de Rumi d’une parfaite actualité : 

« Assois-toi, sois calme et écoute, 
car tu es ivre,
et nous sommes au bord du toit ». 

Oui, nous sommes un monde ivre au bord d’un précipice, et nous devons apprendre à rester calmes et à écouter. Ne serait-ce que pour éviter de faire n’importe quoi...

Les leçons de Panda le malin : n°1



- Tout est possible !
- D'accord, mais rien ne m'arrive.
- Oui, mais tout est possible !


lundi 9 septembre 2019

Un rêve

Illustration : Le Temps du Rêve - Romane Draghi

Avant hier, j’ai fait un rêve. J’ai rêvé que dans ce qui ressemblait à une caverne souterraine éclairée de bougies que l’on ne discernait pas, des pièces semi-précieuses avaient été disposées en plusieurs petites stèles formant ainsi comme un damier triangulaire. Je comprenais dans le rêve que c’est moi qui les avais disposées ainsi pour un rituel à accomplir. Le terrain sur lequel étaient posés ces quadrillages géométriques de pierres était légèrement en pente et en contrebas de ceux-ci avait été posé une sorte de filet, lui aussi triangulaire et de la même taille que le damier de pierres. A chaque croisement des mailles de ce filet était installée une lumière, laquelle, posée à côté des pierres les aurait illuminées, d'autant que ces croisements de mailles correspondaient au plan du triangle de pierres. Or, pour réaliser cette idée, le filet aurait du être déposé en épousant le dessin de celui-ci ; pas en contrebas. Dans le rêve, je compris que j’avais demandé à quelqu’un de le faire mais qu’il ne l’avait pas fait correctement.

La première leçon de ce rêve est que dans ma vie il y a probablement tout ce qu’il faudrait pour en faire un rituel parfait, mais que les choses ne sont pas à la bonne place. Particulièrement la lumière.

La deuxième est que pour ces choses-là, il ne faut pas se désister sur quelqu’un d’autre ou trop attendre des autres: nous devons tout faire nous-mêmes et nous montrer autonomes.

La troisième est qu’il faut toujours prendre en compte ce genre de rêve.

A midi, je me suis mordu violemment la lèvre. Il faut aussi savoir écouter ses morsures.